Archimandrite
Aimilianos
Grand
spirituel orthodoxe contemporain (Mont Athos)

L'expérience
de la Transfiguration
dans
la vie du moine athonite
Au
coucher du soleil, lorsque ayant terminé son service (diakonia)
et accompli les uvres du jour, le moine rentre dans sa cellule, il ne cesse
pas pour autant de vivre la Transfiguration sous les deux formes dont les Disciples
l'ont vécue de façon exemplaire au sommet du Thabor. Tandis que
dans l'assemblée liturgique il voit le Christ dans la lumière de
Sa gloire et participe avec le monde visible et la communauté à
la lumière du Royaume de Dieu, lorsqu'il ferme derrière lui la porte
de sa cellule, telle la pierre qu'on avait roulée à l'entrée
du tombeau du Seigneur (Mc, 15,46), alors, dans l'obscurité de la nuit,
il est couvert par la nuée. C'est à ce moment que, seul avec Dieu,
il vit vraiment comme «moine », monachos . Tout vain luminaire de
ce monde, des voluptés, des préoccupations et des idées s'éteint.
La consolation de la présence des frères et le reflet liturgique
de la splendeur de la Nouvelle Jérusalem lui sont retirés, et il
doit faire face à sa propre obscurité, aux ténèbres
de ses passions, à l'instabilité, à la dispersion de son
intellect (noûs) et à l'endurcissement de son cur. Il descend
alors dans son propre enfer intérieur, pour y triompher avec le Christ
vainqueur de la mort.
Pendant
la journée, il s'est préparé au combat de la nuit, accomplissant
les «uvres de lumière» et purifiant les sens de son âme
par la lumière des commandements divins. Il apprête alors, comme
l'écrit saint Syméon le Nouveau Théologien, les saintes vertus
semblables à des charbons ou à des cierges qui s'embraseront dès
que le feu du Saint-Esprit s'en approchera. Le jour est donc le temps de la «praxis
», dont le terme est l'impassibilité (apatheia), et la nuit est celui
de la contemplation (théoria), de la communion personnelle avec Dieu par
la prière. Chaque nuit, dans l'obscurité et la quiétude (hésychia),
est pour le moine un sabbat quotidien. Tout travail servile cesse alors et seul
reste ce cri incessant adressé à Dieu: « Illumine mes yeux
!» (Ps., 12,4) ou, comme le répétait sans cesse saint Grégoire
Palamas: « Illumine mes ténèbres! ». Il n'y a plus alors
qu'une seule activité pour le moine: laver les yeux de son cur avec
les larmes de son visage, en disant avec le Psalmiste: « De mes larmes (
... ) je baigne ma couche» (ps., 6,7), et de s'agripper aux franges du manteau
de Jésus (cf. Matth., 14, 36) en criant, comme l'aveugle de l'Évangile
: « Seigneur, aie pitié de moi, que je recouvre la vue !» (Le,
18, 39-41), de sorte que l'obscurité soit dissipée par l'invocation
du Nom du Seigneur. Le Nom de Jésus, de l'Un de la Sainte Trinité,
devient alors l'écho personnel et intérieur de la voix divine que
les Disciples entendirent sur le Thabor, venant de la nuée, pour témoigner
de la divinité du Sauveur. Le Christ se rend présent ici par le
mystère de Son Nom, et l'obscurité se transfigure alors en une «
nuée lumineuse », en une ténèbre où Dieu habite.
Archimandrite
Aimilianos, L'expérience de la Transfiguration dans la vie du moine athonite,
éd. Monastère Saint-Antoine-Le-Grand, Saint-Laurent-en-Royans, 1996,
p. 23-24.

Qui
est le P. Aimilianos?
Alors
higoumène d'un des monastères masculins de la région des
Météores (en Grêce), le P. Aimilianos vint s'établir
avec sa jeune communauté au monastère de Simonos-Petra du Mont Athos.
Après de longues années d'expérience en tant que confesseur,
higoumène (abbé) et accompagnateur de plusieurs communautés
à l'extérieur du Mont Athos (dont en France), il en est aujourd'hui
le père spirituel après avoir remis sa fonction d'higoumène
à l'un de ses fils spirituels.