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"N'éteignez pas l'Esprit" st Paul

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Discerner c’est connaître et adhérer à Dieu"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Je présuppose qu’il y a en moi trois pensées" st Ignace

 

St Ignace

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"C’est la prière qui (...) qui rend possible le discernement"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"...combat qui est double parce qu’il y a trois pensées"

 

 

 

 

 

"Le discernement c’est donc reconnaître et adhérer à l’Esprit-Saint"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"cette double base nécessaire au discernement..."

 

 

 

 

 

 

 

 

 


LE DISCERNEMENT DES ESPRITS

 

 

Aujourd’hui, je voudrais vous parler du discernement. Je pense que le discernement est une dimension importante de notre vie. Prière et discernement, les deux vont de pair : c’est la prière qui nous conduit au discernement.


Je vous lis quelques passages de l’Ecriture pour vous montrer combien cette question du discernement était importante dans l’Eglise. Saint Paul dans la première épître aux Théssaloniciens :

"N’éteignez pas l’Esprit, ne dépréciez pas le don de prophétie mais vérifiez tout. Tout ce qui est bon, retenez-le, gardez-vous de toute espèce de mal"(1 Th 5, 19)

Dans la première épître aux Corinthiens :

" A chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun (…) à tel autre le discernement des esprits" (1 Co 12, 7) - (…) " qu’il y a ait deux ou trois à parler et que les autres jugent " (1 Co, 14 , 29)

Dans la première épître de saint Jean :

"Bien-aimés, ne vous fiez pas à toute sorte d’esprit, mais éprouvez ces esprits pour voir s’ils viennent de Dieu " (1 Jn 4,1)

Dans la deuxième épître aux Théssaloniciens :

" Ne vous laissez pas trop vite mettre hors de sens ou alarmer par des manifestations de l’Esprit, des paroles ou des lettres données comme venant de nous et qui vous feraient croire que le Jour du Seigneur est déjà là… que personne ne vous séduise d’aucune manière ". (2Th 2, 1-3)

Voilà cinq textes qui montrent l’importance du discernement.

Au fond, discerner c’est quoi ? Discerner c’est connaître et adhérer à Dieu.

Tout dans le discernement est orienté vers l’Esprit-Saint. Discerner ce n’est pas tourner dans le négatif… si on s’occupe du négatif c’est pour aller vers le positif. Le but du discernement est de pouvoir adhérer à l’Esprit-Saint. Pourquoi ? Parce que l’Esprit-Saint – comme dit saint Paul – intercède, il se met entre nous et le Père pour l’accomplissement de sa volonté. Il n’y a qu’avec l’adhésion à l’Esprit-Saint, donc avec le discernement que nous sommes à même d’être sauvés et de vivre pleinement notre vie d’enfant de Dieu. Donc, le discernement est très important.

Mais je vais vous parler en partant du texte de saint Ignace de Loyola qui met un peu les bases du discernement. On reviendra plus tard à des précisions.

"Je présuppose qu’il y a en moi trois pensées : une propre à moi, laquelle sort de ma seule liberté et de mon vouloir, et deux autres qui viennent du dehors : l’une qui vient du bon esprit et l’autre du mauvais" . saint Ignace

Voyez comment saint Ignace, qui est un homme du Moyen-Âge et de la Renaissance, a le sens de Dieu et en même temps celui de l’homme. Il ne présente absolument pas une vue dualiste de l’homme comme s’il était le jouet du mauvais et du bon esprit. Pas du tout : Il y a en moi une pensée qui m’est propre.

Ici, saint Ignace emploie "pensée", à d’autres moments il parlera plutôt de "motion". D’ailleurs, quand il dit : une propre à moi, laquelle sort de ma seule liberté et de mon vouloir, il est bien entendu qu’il n’y a pas que la pensée. Je crois que je vous ai déjà expliqué la différence entre une pensée et une idée. Une pensée oriente, elle veut me faire passer à un acte, donc elle est dynamique. Une idée n’est pas nécessairement dynamique. Les motions c’est la même chose : je suis mû, je suis porté à faire quelque chose ou à laisser telle chose, ou à dire telle chose… il y a une option en moi qui me meut. Ici, c’est moi qui me laisse mouvoir.

Donc, il y a une responsabilité personnelle, il y a une consistance propre d’une personne que Dieu veut et qui rend possible le choix, qui rend possible notre adhésion à l’Esprit-Saint. Sans cette liberté profonde, je serais asservi à l’un ou à l’autre, je ne pourrais pas donner à Dieu la joie et à moi-même la certitude que je fais un choix, que réellement c’est ma liberté profonde qui s’engage et qui a sa consistance propre.

Sur cette consistance propre se greffent, se mêlent deux autres types de pensées : l’un venant du bon esprit, l’autre du mauvais. L’influence que je subis peut donc être bonne ou mauvaise. Ce qu’on appelle bon ou mauvais, ce n’est pas simplement dans un sens moral. Ici, bon ou mauvais veut dire qui correspond aux vues de l’Esprit-Saint, qui s’harmonise avec l’Esprit-Saint, et donc qui peut me mener sur les chemins du salut, sur le chemin de ce qui vraiment me fait croître dans ma vie spirituelle, dans ma vie chrétienne.

Voilà les trois pensées, ou les trois motions, qui peuvent agir en nous. C’est très important de voir cela. C’est très, très important parce que nous sommes du même coup responsable de ce que nous recevons et de ce que nous rejetons. A condition évidemment que nous puissions le reconnaître... Il y a donc toute une éducation à la connaissance de l’Esprit-Saint, à la reconnaissance de l’Esprit-Saint qui est très importante.

Qu’est-ce qui donne ça ? C’est la prière. Bien sûr ! On ne discerne jamais avec quelqu’un qui ne prie pas. ça ne va pas. C’est la prière qui nous sensibilise, qui nous familiarise avec l’Esprit-Saint et qui rend possible le discernement. Il y a aussi la familiarité avec l’Ecriture et bien sûr la vie en Eglise. On ne discerne pas sur une île comme si j’étais coupé de tout, ça ne va pas. L’Esprit-Saint est donné à l’Eglise, il faut donc que je sois en communion avec elle ; non pas qu’il faille l’être avec toutes les personnes (visibles) qui appartiennent à l’Eglise... Non, je sais bien quand je suis en communion avec l’Eglise. C’est très important pour le discernement.

Je voudrais illustrer ce que saint Ignace dit par un petit texte qu’on a lu cette semaine. ça va peut-être vous étonner mais moi ça m’a beaucoup frappée. C’étaient les deux allusions : Agar et Sara. Vous vous souvenez de ce texte dans les Galates :

" … cette femme représente deux alliances ; la première se rattache au Sinaï et enfante pour la servitude : c’est Agar et elle correspond à la Jérusalem actuelle qui de fait est esclave avec ses enfants. Mais la Jérusalem d’en haut est libre, et elle est notre mère" - "Or vous, mes frères, à la manière d’Isaac, vous êtes enfants de la promesse. Mais comme alors l’enfant de la chair persécutait l’enfant de l’esprit, il en est encore ainsi maintenant. Eh bien, que dit l’Ecriture : Chasse, la servante et son fils, car il ne faut pas que le fils de la servante hérite avec le fils (GN 21, 10) de la femme libre " (Ga 4 24,26 et ss.). 

C’est une très belle allégorie pour montrer qu’ici il ne s’agit pas de l’esprit mauvais (Satan) et de l’Esprit-Saint. Non, il s’agit de l’esprit naturel, de moi. La chair ici, c’est moi dans ma chair, cela veut dire "moi" avec mes limites humaines. Même avec mes limites humaines je peux concevoir quelque chose de bon et je peux concevoir quelque chose de mauvais. Donc l’enfant selon la chair, c’est l’enfant qui est conçu dans le limites humaines. L’enfant de la promesse c’est celui qui vient de l’Esprit-Saint. Eh bien, vous voyez que même si l’enfant selon la chair (appelons cela les pensées qui viennent de moi) ne sont pas nécessairement de l’ordre du diable, elles peuvent quand même entrer en opposition.

Donc, vous voyez que le combat spirituel, au sens propre, au sens strict, c’est le combat entre l’esprit du mal et l’esprit du bien. Mais pas au sens de Satan, car cela peut aussi être le combat entre l’Esprit-Saint et ma nature limitée. Il y a donc un combat qui est double parce qu’il y a trois pensées.

C’est très important d’être conscient de cette réalité. Ce que je conçois ne vient pas nécessairement du diable quand ce n’est pas bon, cela peut venir de ma nature, de mes limites humaines. Abraham ici (dans Ga 4), on ne sait pas trop pourquoi il a agi ainsi, est-ce par impatience ? Peu importe… En tout cas, c’est un enfant selon la chair, donc il n’est pas né de l’Esprit-Saint et il ne va pas donner la réalisation du plan de Dieu, qui est le Peuple de Dieu né de l’Esprit-Saint. Je vous citais ce petit passage pour vous montrer que dans la Bible il y a des petits passages qui éclairent ce que saint Ignace met en une formule brève. Mais revenons au discernement.

Le discernement c’est donc reconnaître et adhérer à l’Esprit-Saint. Et souvent les deux vont ensemble dans la mesure où, lorsque je prie, je reconnais et j’adhère en même temps. Je sens bien quand je suis dans l’Esprit-Saint. Et nous en reparlerons parce qu’on ne discerne pas seulement ce qui m’est proposé, on discerne aussi la manière dont ce m’est proposé. Vous avez un tout petit mot de cela dans saint Paul :

"  Que personne ne vous séduise " 

La séduction, au sens superficiel du mot, ne vient jamais de Dieu. Dieu ne séduit pas : Dieu parle en notre coeur. Vous voyez, il y a des manières différentes selon l’esprit qui nous vient du dehors.

Voilà, je voulais poser cette base pour le discernement. C‘est très important de savoir qu’il y a en nous trois sortes de pensées et pas deux. Il y en a deux au sens où elles sont soit bonnes, soit mauvaises. Donc, celles qui viennent de moi, elles sont soit bonnes, soit mauvaises. Celles qui viennent de l’extérieur sont soit bonnes, soit mauvaises. Je dois donc reconnaître ce qui n’est pas bon et c’est cela le discernement. Je dois reconnaître ce qui est bon, bon pour moi, aujourd’hui avec tout ce que je suis, avec tout ce que je vis ; ce qui m’apparaît comme venant de l’Esprit-Saint. Adhérer à cela, c’est discerner.

C’est très important pour nous, dans notre vie, de pouvoir conduire notre vocation selon l’Esprit-Saint, c’est-à-dire être capable d’adhérer, d’être en harmonie avec Lui. Et souvent, nous reconnaissons que nous sommes dans l’Esprit-Saint à cette harmonie que nous vivons. Lorsque nous sommes en harmonie avec la volonté de Dieu, nous sommes dans un bon discernement de l’Esprit-Saint, nous sommes dans l’adhésion à l’Esprit-Saint. Evidemment, il ne faut pas prendre le cas d’une personne qui est en train de tout à fait dévier, de se perdre… à ce moment là, l’Esprit-Saint va venir la troubler : "Ecoute, tu ne fais pas bien ! ".

Donc, je voudrais répéter cette double base qui est nécessaire au discernement, c’est de savoir qu’il y a trois sortes de choses en nous mais qu’elles sont bonnes ou mauvaises, c’est-à-dire en harmonie ou non avec l’Esprit-Saint.

La première chose pour discerner, c’est de voir l’orientation profonde de ma vie. Si l’orientation profonde de ma vie est vers Dieu, même si je pèche, même si je fais des erreurs, si l’orientation profonde de ma vie est tournée vers la volonté de Dieu, tout ce qui trouble n’est pas de l’Esprit-Saint. C’est très important. Je ne dois pas pour discerner commencer à regarder dans les détails tout de suite, je dois d’abord vérifier mon orientation profonde. Si je suis orienté vers Dieu, c’est très simple : tout ce qui vient me troubler ne vient pas de Dieu et donc je laisse tomber, je ne le reçois pas, je ne le laisse pas entrer ! Au contraire, je répète, si je suis en train de m’éloigner de Dieu, ou voire de m’orienter contre Dieu, alors ce qui trouble vient de l’Esprit-Saint qui me dit : " ça ne va pas".

Donc, vous voyez l’importance de bien garder l’orientation profonde de ma vie. Si je suis orienté vers la volonté de Dieu, ce qui trouble ne vient pas de l’Esprit-Saint, mais je suis dans un discernement continuel, je suis en paix avec l’Esprit-Saint. Profondément du moins, car parfois la réalité suppose un rude combat avant d’arriver à cette harmonie.

Vous voyez l’importance du discernement dans la vie… et je vais encore y revenir d’autres manières la semaine prochaine.

Dans le texte des deux alliances, Agar et Sara, vous voyez que saint Paul caractérise la Jérusalem Nouvelle, celle qui vit de l’Esprit-Saint, comme celle qui est libre, ça veut dire qu’elle n’est pas asservie à des choses qui la détournent de Dieu, de tout ce qui me met dans une mauvaise dépendance, dans une servitude. L’Esprit-Saint me dégage ! Il me fait marcher dans la volonté de Dieu. Donc, la liberté de la Jérusalem Nouvelle est en fait le fruit d’une libération qui vient de l'acceptation de Jésus comme mon Sauveur.

Quand j’adhère à l’Esprit-Saint, quand l’Esprit-Saint m’est donné, je suis totalement libre, c’est-à-dire que je n’ai pas de chaînes d’esclavage et donc la Jérusalem Nouvelle, comme vous voyez, est vraiment l’oeuvre de l’Esprit-Saint.